Pendant la campagne électorale qui précède les élections professionnelles, l’employeur doit conserver une stricte neutralité. En laissant un syndicat diffuser sa propagande électorale via la messagerie du CE, sans donner les mêmes moyens d’accès au syndicat concurrent, il manque à cette obligation ce qui cause en soi l’annulation des élections.
L’affaire : demande d’annulation des élections pour propagande irrégulière
Au soir du premier tour des élections professionnelles visant à mettre en place le comité social et économique (CSE), un des syndicats en lisse avait diffusé un message de propagande électorale à l’ensemble du personnel depuis la messagerie du comité d’entreprise. L’employeur n’avait pris aucune mesure pour que l’autre syndicat puisse en faire de même.
Le syndicat lésé a alors demandé l’annulation du premier tour des élections à l’issue duquel, à une voix près, il avait perdu le statut d’organisation syndicale représentative. Il soutenait que l’employeur avait manqué à son obligation de neutralité en laissant un syndicat utiliser un moyen de propagande irrégulier et en ne prenant ensuite aucune mesure pour rétablir l’égalité d’accès des syndicats aux mêmes moyens de propagande.
La Cour de cassation lui a donné gain de cause, annulant le jugement rendu par le tribunal d’instance.
Obligation pour l’employeur de rester neutre pendant la campagne électorale
À l'occasion de l'élection du CSE, les candidats peuvent mener une campagne électorale dans l'entreprise en diffusant des informations sur l'élection.
Mais certaines règles strictes sont à respecter en matière de propagande électorale.
Du côté des organisations syndicales et des candidats sans étiquette, les modalités de la propagande sont généralement fixées par la convention collective ou le protocole d'accord préélectoral (PAP). Aucune propagande abusive ne doit avoir lieu.
Quant à l'employeur, il a une obligation de neutralité qui constitue un principe essentiel du droit électoral. À cet égard, il ne peut donc ni effectuer ni influencer la propagande électorale. Il doit rester neutre vis-à-vis des syndicats et des candidats libres sous peine d’annulation des élections (c. trav. art. L. 2141-7 ; cass. soc. 31 mai 2011, n° 10-60228 D).
Laisser un syndicat utiliser la messagerie du CE est un manquement à l’obligation de neutralité
Tous les syndicats doivent avoir droit aux mêmes moyens de communication, surtout si des moyens supplémentaires sont mis à disposition.
Dans cette affaire, l’employeur, en ne réagissant pas après l’envoi par un des syndicats d’un message de propagande via la messagerie du comité d’entreprise, n’a pas permis un égal accès aux moyens de propagande entre les syndicats.
Par cette absence de réaction, l’employeur a manqué à son obligation de neutralité.
Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation juge qu’en étant inactif l’employeur manque à cette obligation. Dans une autre affaire, elle avait reproché à un l’employeur d’avoir laissé circuler un tract anonyme mettant en cause les candidats d’un syndicat (cass. soc. 7 novembre 2012, n° 11-60184 D).
Manquer à l’obligation de neutralité cause en soi l’annulation des élections
La Cour de cassation rappelle que l’obligation de neutralité de l’employeur est un principe essentiel du droit électoral, dont le manquement constitue une cause d'annulation des élections, indépendamment de son influence sur le résultat des élections (déjà en ce sens : cass. soc. 10 mai 2012, n° 11-14178 D).
Le tribunal d’instance ne pouvait donc pas refuser d’annuler les élections au motif que le syndicat contestataire ne démontrait pas en quoi cette diffusion avait exercé une influence déterminante sur les résultats du scrutin.
Cass. soc. 27 mai 2020, n° 19-15105 D
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