Acquisitions majoritaires de moyennes entreprises françaises en 2020 : deux semestres aux évolutions contraires.
L'Observatoire de la valeur des moyennes entreprises a publié les résultats de son enquête de conjoncture, centrée sur l’évolution de la valeur de marché des moyennes entreprises, concernant les deux semestres 2020. Après une baisse au 1er semestre liée à la Covid-19, le 2e semestre enregistre un net rebond des acquisitions majoritaires de moyennes entreprises françaises.
Objectifs de l'Observatoire de la valeur des moyennes entreprises et méthodologie de l'enquête - L’Observatoire de la valeur des moyennes entreprises a été lancé en octobre 2014 par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC), en partenariat avec Epsilon Research, bureau indépendant de recherche et d’analyse financière fournissant les multiples de transactions pour l'évaluation des sociétés non cotées. L'Observatoire étudie le marché des acquisitions majoritaires de moyennes entreprises (ME) françaises (valeur de fonds propres/d'equity comprise entre 15 M€ et 50 M€), tous secteurs confondus, étant précisé que les acquisitions majoritaires regroupent les fusions-acquisitions/mergers & acquisitions (M&A) et les rachats d'entreprise(s) avec effet de levier/leveraged buy-out (LBO). L'échantillon retenu pour réaliser l'enquête représente environ un quart des transactions du marché.
Pour chacun des semestres de l'année 2020, la commission Évaluation de la CNCC et le comité Évaluation et transmission du Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables (CSOEC) présentent conjointement les indicateurs complets de ce marché particulier, à savoir :
l'évolution des prix d'achat des ME en France, mesurés par le ratio Valeur d'entreprise/EBITDA historique médian sur 12 mois glissants ;
l'évolution de l’activité M&A/LBO des ME françaises, en volume et en valeur ;
la structure du marché et la typologie des acquéreurs (industriels ou financiers, français ou étrangers, cotés ou privés) ;
l'impact des marchés action/PME-ETI, à travers le suivi de l'indice et de l’activité d’Euronext Growth, afin de pouvoir comparer l’évolution des prix des PME cotées et non cotées.
L'enquête de l'Observatoire a pour objectif d'éclairer les acteurs du financement et de l’accompagnement des entreprises, ainsi que les commissaires aux comptes qui contrôlent les valeurs déterminées pour l'arrêté des comptes.
La crise liée à la Covid-19 et ses conséquences amènent les entreprises à évaluer, avec plus d'acuité encore qu'habituellement, leurs actifs - La crise sanitaire a fortement perturbé la visibilité des entreprises sur leur avenir à court terme et a eu, majoritairement, un impact négatif sur leurs résultats, leur niveau de trésorerie ainsi que sur leur niveau d’endettement. Se pose donc inévitablement, avec plus d’acuité encore qu’habituellement, la question de la valeur des actifs dans leurs comptes, notamment des actifs incorporels tels que le fonds commercial, la marque, le goodwill, le droit au bail ou les titres de participation.
Pour mesurer la perte de valeur ou la nécessité de déprécier ses actifs, l’entité doit réaliser des tests pour comparer la valeur nette comptable (VNC) de l’actif dans les comptes à sa valeur actuelle, à chaque clôture pour le fonds commercial, le goodwill et les titres, et en cas d’indice(s) de perte de valeur pour les autres actifs, comme les actifs incorporels hors fonds commercial (droit au bail, marque…) ou les actifs corporels amortissables.
Si la valeur actuelle de l'actif est inférieure à sa VNC, l'entité constate une dépréciation (PCG art. 214-5). Rappelons que la valeur actuelle est la plus élevée des deux valeurs suivantes (PCG art. 214-6 et RNCF sous PCG art. précité) :
la valeur vénale, qui correspond à un prix résultant d’un accord ou de transactions qui peuvent être considérées comme comparables (dont les multiples, fournis par des bases de données, sont à utiliser avec d'immenses précautions, notamment en cette période de crise sanitaire) ;
la valeur d'usage, déterminée à partir de la méthode des flux futurs de trésorerie actualisés (Discounted cash flows/DCF), particulièrement complexe à mettre en œuvre actuellement, en raison du manque de visibilité lié à la crise de la Covid-19.
Après avoir baissé au 1er semestre 2020, le prix d'achat des moyennes entreprises françaises est remonté au 2e semestre 2020 - Après trois années de stabilité à un niveau élevé, les multiples d'EBITDA ont été impactés par la crise sanitaire de la Covid-19 et par l’arrêt brutal de l’économie lors du premier confinement, en mars 2020, faisant diminuer le prix des ME françaises au 1er semestre 2020. Ainsi, au titre de cette période, ce dernier s'est établi à 8,3 x l’EBITDA. Les entreprises les plus touchées ont été les petites entreprises du mid‐market (transactions de la zone euro entre 15 et 500 M€), avec une polarisation accrue du marché (augmentation de l’écart-type des multiples ce semestre).
Cependant, au 2e semestre 2020, le prix des ME françaises est remonté, pour atteindre 8,8 x l’EBITDA. Ce rebond rapide des prix, malgré le contexte de crise sanitaire, a été porté par la reprise de l’activité M&A, les perspectives de croissance de l’activité économique et l’intervention massive des banques centrales pour maintenir des taux d’intérêt bas à long terme. La polarisation du marché et des prix reste toutefois forte entre secteurs d’activité (écart-type des multiples à nouveau très élevé ce semestre).
L'activité M&A des moyennes entreprises françaises a enregistré un fort recul au 1er semestre 2020 mais s'est vite redressée au 2e semestre 2020 - Le volume des opérations de M&A des ME a baissé de 50 % entre le 2e semestre 2019 et le 1er semestre 2020, en raison de la chute historique de la croissance économique (- 5,8 % en France au 1er semestre) liée à la crise de la Covid-19.
Mais l’activité M&A des ME a rebondi rapidement au 2e semestre 2020, en valeur comme en volume d’opérations, pour retrouver son niveau du 1er semestre 2019. Ce rebond est lié aux perspectives de reprise rapide de l’activité économique, avec la découverte de vaccins efficaces contre la Covid-19 et un soutien économique massif des États européens.
Notons qu'au cours des deux semestres, l'impact (négatif ou positif) de la crise sanitaire a été très variable selon la taille des entreprises (plus marqué sur le bas que sur le haut du mid-market) et selon les secteurs d’activité (au 2e semestre, plus de 40 % des opérations ont été réalisées dans les secteurs de la technologie et de la santé).
La structure du marché et la typologie des acquéreurs est très différente entre les deux semestres 2020 - Au 1er semestre 2020, la part du capital-transmission (LBO) dans l’activité M&A a continué à progresser par rapport à 2019, pour représenter 52 % du marché, grâce, notamment, à l’intérêt toujours croissant des investisseurs pour le non coté. Parmi les acquéreurs industriels (représentant les 48 % restants), les grands groupes cotés et les acquéreurs étrangers, essentiellement non européens, sont ceux qui réalisent le plus d'acquisitions de ME françaises. Ce sont, dans ce contexte, surtout des acquisitions d’opportunité.
En revanche, bien qu'il reste à un niveau élevé, le capital-transmission a nettement baissé au 2e semestre 2020, en raison d'une forte concurrence avec les acquéreurs stratégiques sur les sociétés non affectées par la crise. Ainsi, il a représenté 35 % de l’activité M&A en volume. Parmi les acquéreurs, les groupes français non cotés ont été très actifs, réalisant des acquisitions d’opportunité sur un marché polarisé. Par rapport au 1er semestre, la part relative des groupes cotés et des acquéreurs étrangers a nettement baissé, en particulier celle des acquéreurs de la zone euro.
Les marchés « action » et les introductions en bourse ont été en hausse d'avril à décembre 2020 - Le rebond rapide de la croissance économique et des marchés « action » après le 1er confinement (de mars à mai 2020) a bénéficié aux introductions en bourse sur Euronext Growth, qui ont nettement progressé au 1er semestre 2020 (6 introductions contre 2 au 1er semestre 2019).
Celles-ci ont été encore plus nombreuses au 2e semestre (15 introductions) grâce, notamment, à la forte hausse des marchés « action » depuis avril 2020 (+ 62 % entre 1er avril et le 31 décembre 2020). Cette hausse a également participé au rebond des prix des ME et de l’activité M&A.
CNCC - CSOEC, « Observatoire de la valeur des moyennes entreprises - 10e édition », juin 2021
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